Les mêmes
choses qui ont causé le mal, le guérissent
par
Geneviève Bougie
Édition
septembre 2000
Le médecin allemand Christian
Friedrich Samuel Hahnemann fut l'inventeur de l'homéopathie, cette méthode
thérapeutique qui soigne un malade à partir de doses infiniment réduites de
substances qui provoqueraient chez l'homme en santé les mêmes troubles que
ceux présents chez le malade. Né à Meissen en Saxe en 1755, Hahnemann a
réussi à établir une certaine unité entre sa vie, sa pensée et son oeuvre.
Disparu en 1843, à l'age vénérable de 88 ans, il laisse derrière lui une
nouvelle méthode médicinale qui soulèvera beaucoup d'espoirs et de
passions.
Hahnemann était un élève surdoué; dès l'age de 20 ans, il maîtrisait le
latin, le grec, l'hébreu, l'anglais, le français et l'italien. Sa
connaissance des langues et sa passion pour les sciences de la nature et de
la médecine lui ont permis de réaliser plusieurs traductions d'ouvrages
scientifiques qui, par la suite, lui ont été très utiles dans ses
recherches. En 1779, Hahnemann passe sa thèse mais il développe entre-temps
une certaine stupeur envers les théories médicinales en cours, c'est-à-dire
toutes ces théories «désincarnées», l'animisme de Stahl, les procédés de la
médecine dérivative ancestrale comme les saignées, les purgatifs, les
sudorifiques, etc. Sa déception est si grande qu'il abandonne à 29 ans la
pratique médicale jusqu'en 1796.
Durant ces douze années de réclusion, il traduit plusieurs ouvrages et
consacre son temps à des travaux de chimie, de toxicologie et de
pharmacologie. De tradition luthérienne comme Jean- Jacques Rousseau auquel
il voua une grande admiration, Hahnemann avait le profil d'un réformateur,
aussi n'est-il pas étonnant que la découverte de l'homéopathie coïncide
avec les débats entourant la Révolution française. Révolutionnaire et
romantique, Samuel Hahnemann discrédita toutes les théories et dogmes qui
dominaient la médecine de l'époque.
Parmi ses références bibliographiques, on retrouve les études
physiologiques de Burdach et d'Haller, les expérimentations
pharmacologiques chez les animaux de Stoerck, les travaux de chimie de
Lavoisier, la médecine légale, la préparation des médicaments, etc.
Deux ouvrages importants soulèvent
son intérêt: «Sur l'empoisonnement par l'arsenic, son traitement et sa
constatation du point de vue légal», un ouvrage où plus de 389 auteurs de
langues différentes sont cités et «Le traité des maladies vénériennes».
La traduction de «La matière médicale» de William Cullen l'amène vers une
thèse qu'il tente d'expérimenter. Cullen affirmait que le système nerveux
était le régulateur de toutes les fonctions vitales. Aussi, l'absorption
d'extraits de quinquina (arbre tropical de la famille des rubiacées) agit sur
les fièvres en faisant réagir les nerfs de l'estomac. Hahnemann expérimenta
le quinquina sur lui-même et cette substance occasionna chez lui les mêmes
symptômes qu'une fièvre pernicieuse que l'on guérissait habituellement avec
le quinquina. Cette expérience lui permit de vérifier une constatation
empirique d'un médecin de l'école hippocratique qui consiste à dire: «les
mêmes choses qui ont causé le mal, le guérissent». Hahnemann établit donc
ainsi la base du raisonnement de l'homéopathie.
C'est à la suite de cette expérience faite sur lui- même que Hahnemann est
de plus en plus convaincu de la probabilité d'une relation entre la
toxicité d'une substance et ses éventuelles propriétés thérapeutiques. Les
recherches du médecin allemand seront dès lors de plus en plus consacrées
aux études pharmacologiques et aux divers poisons. Il se documente à partir
des observations de médecins grecs, latins et arabes. Sauf qu'en 1808, il
est encore trop tôt pour dévoiler ses études sur la similitude vers un
infinitésimal car ce sont des résultats trop difficiles à admettre pour
l'époque.
En 1810, Hahnemann publie sa première édition de «L'Organon de la médecine
rationnelle» qui rassemble ses discours sur la théorie et la pratique de
l'homéopathie. L'année suivante, il part pour l'Université de Médecine de
Leipzig où il obtient une chaire de professeur «privat docent». Durant son
séjour, Hahnemann présente une thèse plus classique: «Dissertation
historique et médicinale sur l'elléborisme».
Ses découvertes en pharmacologie amène le chercheur à travailler sur
l'action des dilutions infinitésimales et sur l'importance de la
dynamisation ainsi qu'en pathologie et en thérapie des maladies chroniques.
Sa plus grande difficulté demeure celle de la reconnaissance de ses découvertes
auprès de ses pairs. La révolution scientifique que vivait alors
l'Allemagne soulevait beaucoup de débats dont certains étaient marqués de
violence verbale.
À l'âge de 80 ans, lors d'un deuxième
mariage avec la française Mélanie d'Hervilly en 1835, il s'installe à Paris
où sa femme obtient pour lui auprès du Ministre Guizot, le droit de
pratiquer la médecine homéopathique et ce, en dépit de l'opposition de
l'Académie de Médecine. C'est en France que Hahnemann obtient le plus de
reconnaissance professionnelle. Il rédige durant cette dernière période de
sa vie, la sixième édition de l'Organon avant de s'éteindre en 1843.
La discipline homéopathique
Le terme «homéopathie» est en fait une déformation orthographique du mot
«homuopathie» qui vient du grec, homoeion (semblable) et pathos (souffrance). L'homéopathie repose sur trois points, soit: la
loi des semblables, la perception du malade en tant qu'entité globale et
l'application de l'infinitésimal.
Hahnemann fut le premier à formuler une loi que l'on pourrait résumer
ainsi: si toute substance est en mesure de dérégler un être en bonne santé
et que ce dérèglement est constitué d'un ensemble de symptômes, il est tout
probable que cette même substance soit en mesure de guérir un malade qui
souffre de ces mêmes symptômes. Finalement, le choix du médicament s'arrête
sur sa ressemblance avec la maladie à soigner.
«Le médicament qui, en agissant sur des hommes bien portants, a pu produire
le plus de symptômes semblables à ceux de la maladie dont on propose le
traitement, possède réellement aussi, lorsqu'on l'emploie à des doses
suffisamment atténuées, la faculté de détruire, d'une manière prompte,
radicale et durable, l'universalité des symptômes de ce cas morbide,
c'est-à-dire la maladie présente, toute entière; tous les médicaments
guérissent les maladies dont les symptômes se rapprochent le plus possible
des leurs.»
Hahnemann, Samuel, Exposition de la doctrine médicale homéopathique,
Organon de l'Art de guérir, Paris, Baillière, 1845, p.XIX de la Préface. La
discipline de la médecine homéopathique repose sur la connaissance exacte
de l'analogie entre un malade et un remède. Tous les symptômes présents
seront tenus en ligne de compte pour la composition du médicament. Ce sont
les symptômes qui caractérisent un malade, aussi l'image de la maladie,
c'est la vue d'ensemble de tous les symptômes. La pratique de l'homéopathie
est centrée sur l'individualisation du malade et l'individualisation du
remède.
Les différentes tendances en homéopathie
Il existe trois tendances en homéopathie, soit les tendances uniciste,
pluraliste ou complexiste. Ces tendances se démarquent notamment par des
recommandations différentes. Si un homéopathe vous suggère un remède unique
du genre quelques granules à prendre en une seule fois, c'est qu'il est de
tendance uniciste. Par contre, si l'homéopathe consulté recommande une
préparation composée de plusieurs remèdes à prendre en plusieurs fois, il
est alors complexiste. Finalement, les homéopathes pluralistes
recommanderont à leurs patients plusieurs remèdes à prendre durant une
période plus longue, soit quelques semaines.
Les unicistes sont en quelque sorte, les «puristes» de l'homéopatie et ils
sont actuellement en minorité, ce qui ne les empêche nullement de défendre
leur point de vue avec vigueur. Selon eux, le mode de médicament
homéopathique unique respecterait le principe selon lequel le remède
prescrit doit être semblable à la personne dans son ensemble. La
prescription d'un remède unique doit donc correspondre au patient ainsi
qu'à ses symptômes. La pratique des unicistes se réclame des grands
principes du fondateur de l'homéopathie Samuel Hahnemann. Il est écrit dans
l'Organon qu'il ne faut donner au patient qu'un seul et simple remède à la
fois. Pour se prévaloir d'une thérapie «uniciste», il est impératif de
consulter un homéopathe car l'improvisation au niveau des prescriptions est
fortement déconseillée.
Les pluralistes estiment de leur côté qu'il est pratiquement impossible
pour un seul médicament homéopathique de répondre à l'ensemble des
problèmes de santé d'une personne. Les homéopathes «pluralistes»
recommanderont plutôt un ensemble de remèdes pour agir sur un ensemble de
symptômes. Les différents granules choisies agiront de maintes façons, soit
localement ou davantage en profondeur. Aussi, les consommateurs peuvent
jusqu'à un certain point, jumeler différentes combinaisons moyennant un
minimum de connaissances en homéopathie.
Les complexistes optent pour des prescriptions multiples. Cette tendance
est particulièrement en vogue présentement car elle offre la possibilité
aux gens de choisir «à la carte» les remèdes nécessaires à la guérison de
leurs symptômes. Les médicaments homéopatiques en vente libre dans les
pharmacies sont pour la plupart «complexistes», c'est-à-dire qu'ils se
consomment plusieurs à la fois et à plusieurs reprises. Les granules pour
combattre la grippe et les maux de tête ou pour régulariser la circulation
sanguine, etc. sont identifiés de telle sorte que n'importe qui peut se
procurer ces remèdes sans consulter un spécialiste en homéopathie. Les
mises en garde sont nombreuses car il ne suffit pas de mettre la main sur
un remède mais aussi de savoir comment le prendre.
Les tendances actuelles
Les statistiques sur le sujet sont fragmentaires mais on peut affirmer sans
risque que l'homéopathie est une médecine alternative en pleine croissance.
Cette médecine est pratiquée par les homéopathes, les naturopathes, les
chiropraticiens et certains pharmaciens et médecins. Les remèdes homéopatiques
sont disponibles dans les pharmacies ainsi que dans les magasins d'aliments
naturels. Il existe plus d'une trentaine de compagnies productrices au
Canada et si la plupart d'entre elles sont connues et reconnues, d'autres
n'ont pas d'autorisation légale (DIN). Il est recommandé aux consommateurs
de rester vigilants dans leurs choix.
La multiplication des produits disponibles sur le marché rend parfois le
choix périlleux. En effet, les normes gouvernementales exigent une
posologie précise sur l'étiquette des différents produits; or, la manière
de prendre un remède homéopatique est très importante, elle doit suivre le
cours des symptômes. Contrairement aux antibiotiques et autres médicaments
traditionnels, l'homéopathie doit être dosée et ce, pour une durée
variable. La posologie trois fois par jour peut s'avérer inefficace voire
malsaine pour un remède qui devrait être pris selon la diminution graduelle
des symptômes ou encore, un remède qui ne devrait être consommé qu'une fois
par mois.
Les tendances dominantes pluraliste et complexiste soulèvent la question de
l'éthique pharmaceutique. L'homéopathie à la portée de tous en pharmacie
est lucrative pour les marchands qui veulent offrir le plus vaste choix
possible mais cette forme de médecine alternative profite surtout aux
fabriquants. Dans ce contexte, il est important de bien s'informer sur les
produits offerts sur le marché avant de les consommer. Des cours
d'homéopathie sont maintenant accessibles au grand public. Pour en savoir
plus, plusieurs sites Internet sont consacrés à l'homéopathie et aux
médecines alternatives.
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